CORPS ÉTRANGER

du 13/02 au 14/03/15

AGATA KUS, KELLY SINNAPAH MARY, DANI SOTER

« L’artiste travaille sur sa perception du monde en utilisant son cerveau, dont nous savons aujourd’hui qu’on ne peut le différencier en fonction du sexe.1 »

Les grandes questions autour d’une possible spécificité de l’art des femmes ne cesse d’être alimentées. Féministe, historien et critique pour ne citer qu’eux n’ont eu de cesse de remettre en question l’existence d’un art féminin. Marie Jo Bonnet, spécialiste de l’histoire des femmes, de l’histoire de l’art et de l’homosexualité féminine s’est vu écartée d’institutions artistiques parce qu’elle le suggérait dans ses écrits. Bon nombre d’expositions collectives attribuées aux femmes ont attirés les foudres, comme celle du Centre Pompidou en 2009 qui réunissait 200 artistes femmes.
Polémique pour certains ou geste fort pour d’autres, la Maëlle Galerie a pourtant choisit d’inviter pour sa première exposition collective, Agata Kus, Kelly Sinnapah Mary et Dani Soter à confronter leur point de vue.

Sans n’avoir jamais travaillé ensemble, ces trois artistes nous proposent un questionnement très personnel sur leur rapport au monde, sur leur rapport à l’altérité. Sans faire l’apologie du gynocentrisme, chacune d’entre elle va affirmer dans sa singularité, parfois avec humour, parfois avec virulence, parfois avec fragilité son expérience dans le petit contexte et dans le grand contexte du monde. Elles utilisent le collage, le dessin, la couture la broderie et la photographie en faisant preuve d’engagement, de subversion ou d’esprit critique sans pour autant s’affirmer comme artistes féministes. Agata Kus, Kelly Sinnapah Mary et Dani Soter dévoilent chacune à leur tour le sexe opposé
comme un corps contre nature, intrusif, agressif, destructeur. Un corps étranger.

Dani Soter dont les dessins ne sont pas sans rappeler les oeuvres sur papier de Louise Bourgeois, nous entraine dans un univers très personnel où se mêlent des bribes de sa propre mémoire et celles qu’elle construit de toutes pièces. Elle décompose sous les prismes du couple et de la famille les mécanismes du fonctionnement humain. La difficulté de coexister dans le couple, les rapports de force, les subterfuges pour subsister sont quelques un des thèmes abordés par l’artiste.
Dans l’œuvre d’Agata Kus, sont posées les questions liées à la formation de l’identité du genre, à la maturité, à l’adolescence et au triomphe de la féminité. L’homme y est souvent représenté sous la forme d’un animal, d’un prédateur qui capture l’innocence et l’insouciance de l’enfant.
Kelly Sinnapah Mary, dont certaines pièces font penser aux installations de Tracey Emin, dénoncent les violences et les dominations faites aux femmes notamment en traitant du sujet du viol. Elle est à la fois fascinée et révoltée par la violence physique dans les relations homme femme. Plusieurs expériences personnelles douloureuses se faisant l’écho de la condition actuelle de la femme dans le monde l’ont amenée à exprimer plastiquement une forme de révolte silencieuse, non contre la domination des hommes, mais contre toutes formes de domination, la plus prégnante étant à ses yeux la domination masculine.

(1) Catherine Vidal. Féminin Masculin, Mythes et idéologies