l’EMPREINTE DE LA KHA DOG AMÉTHYSTE

du 17/11/16 au 14/01/17

JÉRÉMIE PAUL

Tout dans l’œuvre de Jérémie Paul nous parle de peinture. Des soies teintées aux livres généreusement enduits et déchiquetés, en passant par les dessins aquarellés et les peintures sur toiles. L’artiste nous invite à explorer la peinture hors de son cadre classique, hors de son caractère parfois autoritaire et figé. Sa peinture, maniérée et brutale, éclabousse, coule, traverse, recouvre, se meut, vibre et tache. Elle est vivante, tumultueuse et sensuelle. Elle résulte d’expériences gestuelles, sensorielles, formelles et matérielles. Elle est ainsi pensée comme un voyage, une longue promenade parsemée d’imprévus, agréables et dérangeants, qui viennent renouveler notre rapport à son histoire et ses postures. 

Avec une légèreté séduisante et sidérante, Jérémie Paul repousse les définitions, les carcans et les idées préconçues. Sa peinture est queer, hors normes, indéfinissable, insaisissable. Elle réclame un effort. En ce sens, Jérémie Paul pense l’exposition comme un décor, un paysage à l’intérieur duquel le regardeur se fait acteur. Son corps est – s’il se prend au jeu – inscrit dans une relation chorégraphique aux oeuvres. Il doit se pencher, contourner, surplomber, passer entre et sous, à travers. Une oeuvre peut en cacher une autre. 

Il nous faut ainsi apprivoiser le paysage pour en percevoir la générosité et la complexité. Nos sens sont aussi convoqués : une boucle sonore rythme son passage, des fleurs et autres éléments végétaux captent son odorat, la soie le caresse au fil de ses mouvements, les couleurs vives et franches rappellent celles des bonbons ou de la crème glacée. Au fil de la promenade, les oeuvres agissent comme des éclats qui bousculent et chahutent les repères et les habitudes. Les oeuvres nous invitent à fouiller pour déceler des signes, des gestes, des rapports de couleurs, des lumières, des images, qui, ensemble, forment une composition, la trame d’une histoire. Une histoire à entrées multiples et dont les récits semblent infinis. Ces derniers sont habités d’objets énigmatiques : des « petits jouets » en pâte à modelé sur une étagère, un paravent destroy et élégant, des bouquets de fleurs, des livres sauvagement agrafés au mur ou encore des voiles de soie flottant dans l’espace. 

L’histoire contée par Jérémie Paul regorge d’associations inattendues, elle est mue par une pensée ondulante, intense, poétique et insolente. Il se refuse ainsi à la compréhension immédiate, l’autorité de l’oeuvre d’art et l’exposition paralysée. À la stabilité, il préfère l’organique et l’imprévisible. À la bienséance il répond par la violence et le jeu. Le mouvement est le moteur d’une oeuvre traversée par une énergie à la fois douce et emportée. Fragment par fragment, elle délivre des perturbations incitant à une rupture avec les normes.

Julie Crenn