VAGINA, JYOTI SINGH PANDEY

du 19/09 au 19/10/14

Kelly Sinnapah Mary

Faire usage du sensible, faire usage du beau, pour mieux saisir les trop cruelles vérités, voilà ce que fait l’artiste Kelly Sinnapah Mary. Que l’on ne s’y méprenne pas, ses installations nous plongent dans un univers intimiste où se dégage une douce atmosphère qui n’occulte en rien le silence des drames.

Voilà déjà plusieurs années que Kelly Sinnapah Mary développe un travail dont les fondamentaux prennent naissance dans son enfance. L’artiste grandit dans l’une de ces nombreuses familles antillaises couveuses-protectrices dont l’éducation et la bienveillance envers les filles sont des préoccupations centrales. La chambre où elle se replie et passe le plus clair de son temps à faire et défaire le monde, se dresse en lieu-refuge. Elle en extirpe le lit, les draps, le tissu, le fil tous ces éléments réconfortants qui ont construits pendant près de dix-neuf ans son monde.

Fortement marquée par l’œuvre de Marina Abramovic, Yayoi Kusama ou encore Tracey Emin, le monde de Kelly Sinnapah Mary est saturé de réminiscences et de symboles-trames qui deviennent les moteurs d’une réflexion universelle.
«Je travaille sur ce qui me touche et ne travaille que sur ce qui me touche1.» Dans ses installations elle pointe du doigt la condition de l’être humain dans la société, les rapports dominants/dominés, l’hyper-sexualisation, ou les relations homme-femme. Mais elle aborde également d’autres sujets beaucoup plus durs tel que la castration. Ses dessins in situ de pénis en lévitation accrochés à des ballons, au rouge à lèvres sur vitre en témoignent.

Près d’un mois après la fin de son exposition au Pérez Art Museum de Miami, c’est à la Maëlle Galerie que Kelly Sinnapah Mary propose du 19 septembre au 19 octobre 2014, Vagina, Jyoti Singh Pandey. Une installation inédite et in-situ imprégnée des objets, des vibrations et des rythmes du quartier de Belleville en parallèle de la biennale.
Jyoti Singh Pandey est le nom de cette jeune étudiante indienne victime à New Dehli en 2012 d’un viol collectif dans un bus, et dont la mort entrainera en Inde de vives réactions populaires.
«Je ne peux m’ôter de l’esprit l’image de ces si nombreuses vitres à travers lesquelles la scène, dans ce bus a été rendue publique, ni celle de cet espace supposément sécurisé, à la manière d’une chambre à coucher, transformée pour l’occasion en lieu de violence et de domination poussée à son paroxysme.(…)
L’horreur vécue par Jioty Singh Pandey soulève en moi toute une réflexion sur la condition féminine en Inde et je crois qu’au final, cet évènement nous appelle tous à une réflexion sur les violences symboliques et physiques, construites socialement et historiquement dans le monde.2»

Sans jamais se considérer comme une artiste féministe, Kelly Sinnapah Mary n’a de cesse de mettre en exergue les violences faites aux femmes. Selon l’artiste, réduire le concept Vagina à un travail féministe, « reviendrait à occulter sa dimension universelle et à lui refuser toute incidence extra-féministe3».

(1), (2) et (3) L’artiste, un être politique en éveil, entretien avec Dominique Brebion